Rhapsodie en Août
Film japonais de Akira Kurosawa (1990) Genre: Comédie dramatique
A l'occasion des vacances d'été, la vieille Kane reçoit ses quatre petits enfants et leur parle de son frère, émigré à Hawaï où il a fait fortune et qu'elle n'a pas vu depuis des années, ce frère qui aujourd'hui est mourant et qu'elle décide d'aller revoir chez lui, mais pas avant le 9 août...
Pour son avant dernier film, après une carrière exceptionelle, jalonée de succès, mais d'échecs, Akira Kurosawa, le cinéaste de tout un pays, choisi d'orienter son récit vers quelque chose de fort, d'intime, peut être même quelque chose de vécu.
Pour cette quasi ultime oeuvre de sa vie, le cinéaste se focalise sur les blessures indélébiles de la seconde guerre mondiale.
Il ne fait pas état d'une évidente fracture spirituelle, mais la laisse sous entendre, dans les divers passages ou la grand mère, petit à petit perd la raison, et se souvient... se souvient d'il y'a 45 ans en arrière.
Son mari, ancien soldat de l'armée japonaise, décédé durant cette douloureuse époque de l'histoire, qui n'a jamais vu la reconstruction du pays, qui n'a pas assisté aux bombardements nucléaires, qui n'a jamais connu ses enfants, et ses petits enfants.
La grand mère Kane, on le devine, regrette tout cela, elle aurait tant aimé faire partager sa petite famille auprès d'un homme, ancien combattant, qui raconterai ses exploits pour sauver son pays à ses petits enfants.
Kane, tourmentée depuis près d'un demi siècle, se receuille sur la tombe des anciens combattants, auquels son mari s'ajoute, tous les 9 août.
Lorsqu'elle apprend que de la famille proche désire qu'elle vienne rendre visite à un frère inconnu, elle hésite. Mais poussée par ses petits enfants elle accepte, après la date fatidique du 9 Aout.
Kurosawa, on le sent, est très marqué par cette étape de sa vie. Lui, qui a toujours prôné la société japonaise, en défendant son drapeau, ses coutumes et sa culture, se retrouve soudainement, au sein d'un film qui lui rappelle un passé presque oublié.
La mise en scène est propre, on assiste à une pudeur évidente, mais maitrisée.
Quelques scènes frappantes, comme la perte de la raison, de la grand mère, qui s'enfuit en courant dans la forêt, sous une pluie diluvienne, sont vraiment fortes. Elles sont là pour nous montrer que l'on n'oublie jamais une telle épreuve.
Même 50 ans après, la grand mère, déchirée entre amertume et remords, repense à un passé pas si lointain.
Kurosawa, dans cette fresque humaine, parvient à faire passer les sentiments profonds, refoulés, d'une ancienne de la guerre, devant le bonheur évident d'une nouvelle génération de japonais, qui eux, étudient ce douloureux passé à l'école.
Si la réalisation reste aussi simple et intime, c'est sans doute pour ne pas dérouter le spectateur. Et le cinéaste, dans cette étude de lêtre humain meurtri, tire son épingle du jeu, en proposant un film soft, sans fioritures, qui ne marquera pas forcément le septième art de son empreinte, mais saura trouver les images justes, pour ne pas faire oublier ce qu'il s'est passé ici, il y'a 50 ans...
Ce n'est certes pas le meilleur film de Kurosawa, mais c'est en tout cas un bel adieu au cinéma, d'un homme meurtri, rongé par une vie tumultueuse, qui 8 ans, et un film avant sa mort, avait besoin de se replonger dans cette vie qui a fait de lui, l'un des plus grands hommes du cinéma japonais, et certainement aussi de toute l'histoire du septième art...
God bless you, Kurosawa san...
Note: 15/20