Donnie Darko
Film américain de Richard Kelly
Genre: Fantastique
Année: 2001 "Voyage dans le temps..."
Donnie Darko est un adolescent de seize ans pas comme les autres. Intelligent et doté d'une grande imagination, il a pour ami Frank, une créature que lui seul peut voir et entendre.
Lorsque Donnie survit par miracle à un accident, Frank lui propose un étrange marché. La fin du monde approche et ce dernier doit accomplir sa destinée. Des événements bizarres surviennent dans la petite ville tranquille, mais Donnie sait que derrière tout cela se cachent d'inavouables secrets. Frank l'aidera à les mettre à jour, semant ainsi le trouble au sein de la communauté...
Introduction:
Il existe d'étranges ovnis dans le cinéma moderne, et "Donnie Darko" fait incontestablement parti de ceux là.
Un film qui parvient avec intelligence et grâce, surtout, à mélanger les styles, pour aborder une histoire complexe, à mi chemin entre fantastique, science fiction et drame social.
Mais au delà du simple "Film de genre", se cache une oeuvre d'auteur déconcertante, cachée derrière ce nom, mystérieusement inconnu, Richard Kelly.
A peine 25 ans lors de ce premier film, mais déjà, un style bien à lui, non s'en s'inspirer des meilleurs, David Lynch, Thomas Anderson ou Sofia Coppola...
Donnie Darko, ou l'évocation de l'amérique...
Avant d'entrer dans le genre purement fantastique, je vais commencer mon analyse sur l'ouverture du film, et son alliance évidente au puritanisme américain.
En effet, plus qu'un film de genre, le cinéaste a voulu démontrer l'aliénation du peuple américain, critiquant ainsi son mode de vie.
On le remarque dès le départ, avec une ambiance déjà très nostalgique.
Donnie sur son vélo, qui sillonne les rues de cette petite bourgade américaine, affichant à l'écran, par un travelling remarquable, l'alignement ébêté des résidences, l'entretien parfait des pelouses, taillées au centimètre près, les chemins alignés à l'horizontal, traversés par des ruelles verticalement parfaites, puis ces boîtes aux lettres, toutes ressemblantes, démontrant le train de vie monotone de toute une communauté.
Donnie, semble être en parfait désaccord avec cela, déjà, puisqu'il est le seul à emprunter la rue à contre sens, pédalant comme un dératé sur sa vieille bicyclette usée.
Nous sommes à la fin des années 80, sous le règne de Reagan, les élections approchent, et l'amérique est sur le point de connaître un nouvel essort.
Cette démonstration du quotidianisme, les rues parallèles, ou les jardins tondus rigoureusement, rappellent des films nostalgiques, comme "Blue Velvet" de David Lynch ou encore "Halloween" de Carpenter.
Puis la toile de fond, le héro adolescent qui doute, qui se questionne perpétuellement, rappelle fortement l'essai magitral de Sofia Coppola "Virgin Suicides".
A la croisée des chemins, Richard Kelly oriente son récit sur la science fiction, le mythe du voyage dans le temps, et aborde le fantastique, l'inexplicable, en écorchant la pensée labyrinthique de son héro, la schizophrénie.
Donnie Darko, le déséquilibre parfait...
La schizophrénie de Donnie, est un exemple de plus dans le désir d'éviter la banalité du quotidien.
En réalité, cette maladie lui permet d'esquiver le traditionalisme, lui évite d'entrer dans le moule du puritanisme, lui permet de conserver son libre arbitre.
Parce que Richard Kelly, finalement, parle très bien de cela, dans son film.
Il critique amèrement la société américaine de l'époque.
Puis, il secoue le spectateur par un scénario complexe, renvoyant au mythe du voyage dans le temps.
Est il possible de voir sa ligne de vie, son propre tracé existentiel?
Une question qu'effleure Donnie, se servant de son état pour imaginer l'irréalité.
Les délires de Donnie, expriment des possibilités d’évasion d’un monde atroce, où l’éducation des jeunes se fait dans des collèges sclérosés par les conventions, où le proviseur préfère faire appel à une sorte de gourou de la nouvelle pensée positive plutôt que de soutenir l’enseignement critique d’une jeune prof de lettres.
Mais Donnie souffre t'il réellement de schizophrénie? ne souffre t'il pas plutôt de vivre dans une société déconstruite en tout point, se rendant compte qu'il n'est rien, ou pas plus qu'un autre.
Ce syndrôme de la souffrance intérieure, du manque évident d'appartenance au monde réel, crée en Donnie, le personnage de Franck, lapin bleu géant, lui dictant les actions à effectuer, pour venir perturber et provoquer tout ce conformisme.
Là se trouve tout le génie de Richard Kelly, qui pour son premier film, à 25 ans seulement, parvient à créer la complexité.
Franck est un peu le Donnie en révolte, la personnification du rebelle réactionnaire, qui cherche à déséquilibrer la sacro-sainte image d'une amérique obéissante.
C'est aussi un personnage inquiétant, dont Richard Kelly nous laisse supposer dans une scène merveilleuse, ou l'on passe d'un personnageà un autre sous un fond musical sublime, qu'il pourrait exister.
Puis Donnie, représente aussi l'ado emblématique des eighties. Le marginal un peu taré, qui observe le monde du coin de l'oeil, refusant de gober les médias, et s'auto-dictant les bonne valeurs.
Richard Kelly retranscrit à merveille cette nostalgie des années 80, en citant par exemple le film "Retour vers le futur" ou encore, grâce à la bande son reprenant des thèmes forts de cette décennie, comme les "Tears for Fears" par exemple, je pourrai également penser au clin d'oeil dans le casting du film, aux acteurs emblématiques de ces années là, comme le choix de Patrick Swayze ou Drew Barrymore, que l'on s'amuse à revoir petite dans le ET de Spielberg...
Puis, le voyage dans le temps est abordé de manière déconcertante, par le tracé des lignes de vie des personnages. On devine leur itinéraire par une sorte de ligne opaque "le canal de Dieu", qui erre d'une pièce à une autre, laissant libre toute interprétation.
Kelly, parvient aussi à surprendre lorsqu'il se met à s'attacher à son personnage, nous le montrant déconnecté ou sensible, fragile ou inquiétant, à l'instar du Alex de "Orange Mécanique" de Stanley Kubrick.
Le film, propose deux lectures possibles, en s'arrêtant à la linéarité de l'instant. Une sorte de boucle intemporelle, revenant systématiquement au début.
Puisque le réacteur d'avion qui tombe dans la chambre de Donnie est le point central du film. A la fois son début, et sa fin, avec au milieu, l'existence réelle ou non de Donnie.
Une première version pourrait laisser penser qu'il existe, et qu'il a survécu au drame, tandis que la seconde version, nous laisse penser l'inverse.
Un scénario complexe, rappellant fortement celui de "Lost Highway" ou "Mullholland Drive".
Conclusion:
Pour moi, le film fantastique le plus intelligent de ses 20 dernières années. Parce qu'il s'agit avant toute chose, d'un brassage intéressant des styles, abordant à la fois le côté psychologique des personnages, et un scénario libre de toute lecture.
Un avant goût de la psychose, interprété par l'incroyable Jake Gyllenhall, et toute une poignée d'acteurs fabuleux.
Un coup de maître splendide, salué par la critique, qui a permis de révéler un authentique génie, qui présente cette année à Cannes, son second film attendu "Southland Tales"...