Inside Man
Film américain de Spike Lee
Genre: Thriller
Anée: 2006 "Braquage à l'italienne..."
Le détective Frazier, policier endurci, tente de faire échouer un hold-up avec prise d'otages orchestré par le génial Dalton. Tandis que le jeu du chat et de la souris s'instaure, un deuxième prédateur entre en scène en la personne de Madeline White, une avide négociatrice aux intérêts cachés, qui va déstabiliser cette situation déjà très tendue...
Introduction:
Comment réussir le pari fou d'allier cinéma d'auteur à cinéma commercial, en conservant les traits qui vous ont fait connaître.
Spike Lee, le maître du cinéma d'auteur afro-américain, des bas quartiers, et digne représentant de la cause noire, aux Etats-Unis, parvient à réaliser ce tour de force incroyable.
Plongeons nous dans la fabrication d'un film d'action qui n'en est pas un...
Une musique indienne, pour débuter son long métrage, et nous voilà plongés dans l'univers de Spike Lee, le cinéaste qui refuse l'injustice.
On est dans un film américain, mais peu importe, je peux y apporter ma touche personnelle, se dit-il.
Il a raison, on entre dans la danse sans problème.
Quelques plans de la ville, pour situer le contexte, puis on démarre dans la banque.
La mise en scène, est clairement estampillée Spike Lee, pour ceux qui connaissent un peu son cinéma, il y'a une récurrence de plans, à observer chez lui.
Les plans au sol, en panoramique.
La caméra à ras, qui tourne sur son axe fixe, balayant le décor de gauche à droite, un mouvement Spikeléen, d'une évidente maîtrise.
Puis, l'installation de son climat, une nouvelle fois très habile, son désir d'emmener le spectateur dans un lieu clôt, restreint en matière d'espace, comme pour donner la sensation d'étouffer le spectacle.
Une habitude sans doute dûe à ses premières oeuvres, dans lesquelles les moyens techniques manquaient, et ou il remédiait à ce manque, par une action dans un lieu unique.
Le plus souvent la rue.
J'ai toujours apprécié le cinéma de Spike Lee, notamment son début de carrière, et je tenterai dans les mois à venir, de vous faire découvrir sa filmographie.
"Inside Man" commence donc par un rythme balancé, à mi chemin entre rapide et lent.
Une installation en douceur, situant l'espace dans lequel se déroulera l'action, et décrivant déjà, le rythme de l'oeuvre, dans les deux heures qui suiveront.
L'installation faite, Lee se lance dans l'action, les preneurs d'otages débutent leur plan machiavélique, en séquestrant les otages dans des pièces.
Ils seront d'abord déshabillés, puis frappés, pour certains resistants, et habillés à nouveau avec des tuniques bleues, et un foulard blanc sur le visage.
J'ai le sentiment moi, à travers cette scène, que Spike Lee, dénonce le racisme, en utilisant ce stratagème.
En fait, en analysant bien la situation on peut y voir un certain discours anti-raciste.
Il va placer sur les visages de ses figurants, des masques et des tenues d'une même couleur, signifiant ainsi que dans cette situation, nul n'est différent de l'autre, quelque soit sa couleur, son identité sociale, ou son milieu ethnique.
Un tour de force grandiose, renforcé par de la distanciation sur la violence.
Cet homme frappé derrière une porte vitrée opaque, permet de rendre discret, une atteinte à la moralité.
Comme Haneke cache sa violence, Lee, avec cette scène, en suit admirablement bien le chemin.
Après cela, le rythme se ralentit, les preneurs d'otages commencent à prendre contact avec les forces de Police, et là, Denzel Washington entre en jeu.
Sa prestation est remarquable, il reste très en retrait, déjouant le code du héro patriotique, sauveur de l'humanité.
Il campe un personnage assez grotesque au final, une sorte de faux négociateur, bouleversé davantage par ses histoires personnelles, que par l'action elle même.
Mêlé dans une ancienne histoire de blanchiment d'argent, il reste assez peu confiant dans ses décisions.
Exemple flagrant, en laissant le preneur d'otage, prendre contact avec lui, alors qu'en théorie, ça devrait être l'inverse.
Alors que le jeu d'échec commence enfin, un troisième personnage, incarnée avec brio par Jodie Foster, entre en compte.
Un personnage troublant, dont on ne connaît rien sur les motivations, ou la nature de sa relation avec la police, et, dans une moindre mesure, avec les preneurs d'otages.
Un jeu de chat et de la souris se met en place, une partie à trois, avec un interêt en commun, croirait-on, même si l'on ignore quoi, finalement.
La partie d'échec ne voit ni gagnants ni perdants, jusqu'à présent. Chacun des adversaires semblent s'en sortir à merveille.
Ni gentils, ni méchants non plus, car aucun otage n'est tué jusqu'alors, et la partie pourrait s'achever d'une seule traite.
Mais on y prend plaisir à ce jeu.
Chacun des partis, prend son pied à admirer le jeu de l'autre, et à contrer les mouvements dangereux, par des répliques plus importantes.
Alors que l'on croit à une prise d'otage sans fin, l'improbable prend forme.
Le négociateur entre dans l'action, il se retrouve à l'intérieur de la banque, tentant de négocier une ultime libération des otages.
C'est un échec et la police interviendra un peu plus tard.
Puis c'est un final surprenant qui s'observe alors à l'écran.
Les otages et les terroristes se confondent dans la rue, et le montage parralèle qui prenait place de temps en temps dans le cheminement naturel du film, montage qui nous montrait lla confession des otages dans un interrogatoire du commissariat devient d'un coup, évident.
Il s'agissait d'un film avancant à deux vitesses.
La première au présent, avec la prise d'otage en direct, la seconde, avec l'action déjà terminée, et la recherche des coupables.
Les deux se confondent dans le film, par le principe tout con du flashback.
Une nouvelle fois on peut observer ce discours moralisateur de Spike Lee, envers le racisme.
Le pakistanais arrêté, puis séparé de son turban.
Il va sans cesse répéter:
"Je veux mon turban, je veux mon turban, sinon je ne vous parle pas"
Référence évidente à la religion, puis au matérialisme religieux. Je prête serment avec mon turban, je ne dirai rien sans celui-ci.
Une forme de chantage et de croyance profonde, mal perçue par la police, blanche qui plus est.
Final surprenant donc, à la fois rempli de tensions et de libérations. Un film qui depuis le début ne ressemble pas à un film d'action classique, devient en une scène, un film atypqiue, reprenant le cinéma antérieur de maître Spike Lee, habitué à des conclusions magistrales. A l'image de "Clockers" "Summer of Sam" ou "Do the Right Thing".
Conclusion:
Un passage réussi à Hollywood, s'écartant du système classique de l'action pure et dure à la Michael Bay, Spike Lee rejoint le cercle très restreint des cinéastes à avoir pu allier deux cinémas opposés dans une oeuvre à vocation grand public.
A savoir, un mélange subtil et intelligent de cinéma réflexion, comme le veut la tradition de l'indépendantisme artistique, et de cinéma d'action, à l'enjeu divertissant.
Au final de l'entertainement malin, subtil, fin et savoureux.
Non pas exempt de défauts, le film se regarde néanmoins avec énormément de plaisir, en ce début d'année, peu riches en vraies réussites.
Une très bonne surprise, pour un cinéaste que l'on pensait en fin de carrière, et qui montre ici, avec force et conviction, qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours, avant de l'avoir tué....
Peut être le grand retour de Maître Lee?
A bon entendeur...