Breaking News

Film hong kongais de Johnnie To (2004) Genre : Policier

La cinglante défaite d'un bataillon de police face à 5 braqueurs porte un coup terrible à la crédibilité des forces de l'ordre. Les malfrats repérés et cernés par des milliers d'agents, la police décide de transformer l'assaut en show télévisé…

Je crois qu’on commence tous à connaître Johnnie To, le roi du polar de Hong Kong, à l’heure actuelle. Chacun de ses films, est une nouvelle surprise, et mélange habilement action, humour et émotion.

Après trois de ses plus grands chefs d’œuvres, que sont « The Mission » « Fulltime Killer » ou encore « Running out Of Time » To revient dans le style après s’être amusé dans l’expérimental « P.T.U » au bon vieux polar qui fait recette.

Mais à contrario de tout ce qu’il a fait avant, To signe le plus grand chef d’œuvre du genre à Hong Kong, avec le dénommé Breaking News.

Pour commencer, impossible d’oublier le long plan séquence de 8 minutes, qui marque l’ouverture du film, et qui a le mérite de figurer parmi les trois plus beaux de l’histoire du cinéma.

Une chorégraphie chronométrée, en temps réel, d’une perfection rare. L’orchestration est faite au millimètre près, et tout est parfaitement dirigé par un cinéaste qui prouve là, sa grande maîtrise de la mise en scène.

Le plan démarre par la caméra qui filme un immeuble, puis elle descend jusqu’à montrer la rue, deux flics dans une voiture, qui surveillent une éventuelle attaque de la part des truands. Ils attendent, la caméra avance vers l’intérieur de la voiture, puis ressort, tourne autour, descend légèrement derrière la fenêtre arrière laissant apparaître dans le rétro, le visage du conducteur. Puis elle remonte, jusqu’à ce que la tuerie soit lancée, là, elle parcourt toute la rue, en tournant sur elle-même, en montrant, les différentes scènes se déroulant sous nos yeux. Elle passe de la rue, au bâtiment intérieur, pour redescendre et suivre à nouveau la tuerie. Remarquable ! Le tout avec une profondeur et une maîtrise incroyable.

Ce plan mérite à lui seul, le respect le plus énorme qui soit.

Le reste n’est que l’aboutissement de ce plan merveilleux, à savoir un film d’action plus qu’efficace, qui à le luxe même de proposer une morale incroyablement intelligente.

Le film parle des médias, avant de parler réellement de la prise d’otage.

Il parle du rôle des médias, de la manipulation qui les entoure.

Les journaux qui placent en gros titre, une bavure policière non évidente. Qui mettent ainsi la main sur un public, formant la masse populaire.

Beaucoup de gens ont tendance à croire ce que les journaux, la télé, ou la radio raconte.

Les médias sont conscients de cette main mise, cette emprise qu’ils exercent sur le tout à chacun, et jouent de cela.

To, dans son film dénonce cette forme de manipulation, en déjouant les clés de l’investigation.

Il crée une sorte de jeu, menée tambour battant par la police. Qui distribue à manger aux journalistes, durant la prise d’otage, par exemple. Une forme de ridicule s’empare alors de cette image investigatrice, de ce rôle d’informateur du peuple.

La balance fait contre poid, avec la présence des gangsters. D’un côté, la bande de preneurs d’otages, de l’autre, la police, et au milieu, ces journalistes, à l’affût de la moindre image.

Que ce soit d’un côté, comme de l’autre, les deux bandes s’amusent à jouer avec les médias. Par un système de surenchère, les gangsters veulent prouver qu’ils ont contrecarré la police, tandis que la police elle, dément et tente de prouver le contraire.

Cette partie de ping pong, avec le filet médiatique au milieu, est l’exemple de la présence de l’information détournée, au quotidien, dans nos journaux télévisés par exemple.

Cette information, mobile, qui transmet la moindre image sans avoir chercher au préalable sa signification.

Le cinéaste démontre avec quelle arrogance les médias se plongent dans l’action, en dénaturant complètement le contexte.

L’image prime sur le sens de l’image, le résultat est plus important que l’origine. Ce goût pour la finalité, est la preuve du manichéisme médiatique.

Montrer est il plus dangereux que ce qu’est la réalité ??? To tente de prouver cela dans ce film remarquable.

Les protagonistes de l’histoire, évidemment, passent pour des héros, d’un côté comme de l’autre, puisqu’ils offrent aux médias, ce qu’ils ont envie de voir, peu leur importe que cela soit positif ou négatif.

Lorsque l’on nourrit les poissons, on se moque de savoir ce qu’ils mangent…

Finalement, Breaking News est peut être le plus grand film de l’histoire, concernant la pression exercée par les médias. Un défi technique impressionnant, qui prouve que Johnnie To, est bel et bien le plus grand metteur en scène de Hong Kong, et peut être même, l’un des plus grands artificiers du septième art actuel…

Note : 18/20

Comments

[Elminster]

La première séquence m'a marqué évidemment, mais également celle de la préparation du repas pour cette espèce de réunion de famille des otages et des truands. J'ai adoré les gros plans sur le découpage des carottes et des oignons, un peu à l'instar des émissions de cuisine. Quel contraste avec la situation d'un siège d'immeuble pour cause de prise d'otages. Une audace qui m'a fait mourir de rire.

[Tim]

Donc tu préfères Johnnie To que Kar wai si je comprends bien ???


Tu connais mon avis sur ce film hin :-)))

[chrislynch]

Pour moi, c'est simple, il se trouve dans mon top 10 de cette année de sortie. Ce metteur allie maîtrise technique, sens de la narration et humour avec délice. Sublime !!!