Down By Law
Film germano-américain de Jim Jarmusch (1985) Genre: Comédie dramatique
Deux hommes, Jack, un proxénète, et Zack, un disc-jockey, sont emprisonnés dans une cellule de Louisiane. La haine s'installe très vite entre eux. Un troisième homme, Roberto, un italien, les rejoint. Grace à lui, Jack et Zack se réconcilient et tous trois s'évadent et se cachent dans les marais avant d'être recueillis par une italienne...
Le cycle Jim Jarmusch, a véritablement pris naissance sur ce blog, et aujourd'hui je me penche sur son troisième long métrage, le nonchalant "Down By Law", qui entre décadence et douceur, fascine par son esthétisme, et sa mise en scène.
Jarmusch, non content d'une caméra d'or, à Cannes, pour "Stranger Than Paradise", signe à nouveau une oeuvre discrète, en noir et blanc, avec un trio de personnages, mené tambour battant par un Roberto Begnini au sommet de son talent.
Ce film est un assemblage de séquences, dans lesquelles, souvent, rien ne s'y passe. Comme une sorte de roman, dans lequel on tourne des pages, et on clôture des chapitres.
Car c'est sous cette forme littéraire que le cinéaste arpente son troisième long. Il ponctue quasiment chacune de ses scènes par un fondu au noir, qui dans le langage cinématographique, correspond au fait de tourner une page.
Cela se ressent surtout sur la fin, quand nos trois évadés se retrouvent dans les marécages. On voit très nettement que l'histoire est coupée en trois parties. Dans chacune d'elle, un personnage est au centre de l'histoire, et vit son aventure de quelques minutes, avant de tous se retrouver autour d'un feu, pour déguster un "Rabbit" comme le dit si bien Begnini.
Je vais m'attacher surtout à sa performance, car si John Lurie, et Tom Waits, offrent une interprétation réussie, et remarquable, Begnini est touché, lui, par la grâce.
Dès sa première apparition, il gêle l'écran par sa présence, on le voit de dos, mais on ne voit que lui.
Ensuite, lors de sa seconde apparition, qui se fait aux alentours des trois quarts d'heures du film, il marquera le film à tout jamais.
Ce qui est fascinant dans son personnage, c'est qu'il devient le perso central de l'oeuvre, malgrès son apparition tardive, car il impose la rythmique au film, et lui offre toutes ses situations.
A partir du moment ou il apparait à la prison, on sait que tout tournera autour de lui.
Et du coup, Zack et Jack, deviennent subitement, presque comme ses compères, ses amis qui suivent bêtement leur chef.
C'est le charisme de l'acteur, et toute l'improvisation qui suit son personnage, qui rend le film attachant. Il y'a des jeux de regards, des expressions, des silences, et bien sûr de l'impro, qui font que "Down By Law" est un film unique et intemporel.
La magnifique photographie, qui accompagne les longs travellings latéraux de Jarmusch, y est pour beaucoup aussi dans la qualité du métrage.
La dernière partie du film, celle ou les trois protagonistes se retrouvent dans les marécages, avant de se séparer pour toujours, est remarquable. Naviguants sur une barque trouée, à travers le marais sinueux, ils sont tels des hommes qui dépendent plus que de la nature.
La scène résonne comme un lointain écho à Nicholas Ray, ancien professeur de Jarmusch (La forêt interdite-1958).
Filmées en contre-plongées esquissées ou accentuées, dans un noir et blanc contrasté et radieux, les images teintées de réalismes onirique donnent sa tonalité au film.
La chaleur est palpable, les cadrages en plans fixes frisent le baroque et les lumières composent une atmosphère expressioniste, avec cette touche d'humour et d'élégance, propre à Jarmusch.
Finalement, le troisième long métrage du cinéaste, est un voyage de l'ombre vers la lumière, un film aux accents humanistes, ou la rencontre de l'étranger, favorise l'entente et la réconciliation.
Un film poignant, propre, soigné et méticuleusement mis en scène, par un réalisateur hors pair, qui commençait à peine à prendre son ascension.
Note: 16/20